Réponse cordiale, en mon nom, à George Waters (NPA Jeunes, CCR), suite à son papier sur Révolution Permanente « Débat avec la mouvance autonome à propos de l’auto-organisation »
Je commencerai rapidement par une précision liminaire : dans un débat il n’y a pas un acteur, mais plusieurs, donc ici l’auteur n’a pas participé à un débat mais réalisé ce qu’on pourrait appeler une adresse (pour ne pas utiliser de terme polémique). Aussi, je ne vais pas m’attacher aux points de concorde, pour aller directement à ce qui nous intéresse, les positions de la « mouvance autonome » (le terme « mouvance » étant utilisé pour nier tout caractère organisé des travailleurs autonomes vis-à-vis des organisations politiques).
Il fallait faire ces précisions. Car très vite ça ne va pas (mais alors pas du tout). D’abord la « gauche autonome » (pourquoi pas, je ne savais pas qu’il y avait une « droite autonome », ni même une frange de l’autonomie ne rejetant pas les appellations « droite » et « gauche ») soutiendrait un « blocage illimité plutôt que le blocage reconductible ». Une telle distinction d’appellation pour quoi ? Devrions nous forcément revoter, sur les mêmes bases, un blocage voulu par une grande majorité des votants se déplaçant sur les AG, soit pour une grande part des militants ? Quel intérêt, sinon ralentir le rapport de force, laisser nos ennemis espérer un vote qui leur soit majoritaire ? Et puis même : ces ennemis que nous partageons refusent les modalités du vote en AG. Pourquoi leur faire le plaisir de jouer à un jeu aux relents parlementaires ? Il ne s’agit pas de nier le caractère nécessaire des AG, mais d’en contester la lenteur, le manque de pragmatisme, et les inspirations parlementaires traditionnelles. L’historique des mouvements de travailleurs montre que ces ralentissements bureaucratiques vont aux antipodes d’une émancipation (au moins locale) des travailleurs face aux conditions nouvelles de leur exploitation.
La « mouvance autonome » est ensuite réduite à un appel paru sur Paris-Luttes Info, « Trouver une occupation », appel justement quelque peu détourné, puisque c’est l’organisation « de ce monde » qui est critiquée, pas l’organisation tout court. Enfin bref, cet « appel » n’engage que ses auteurs, et c’est le principe d’un appel : ce n’est pas un manifeste. Encore un cafouillage dans les termes employés, on dirait ! Voilà pourquoi il faut encore préciser : si pour certain.e.s l’occupation devient une « fin en soi », il ne s’agit aucunement de la position que se donne la majorité des militants autonomes, organisés (et ce, aux yeux de la loi ou non).
Et là, je continue ma lecture, et je suis encore plus étonné (dans le mauvais sens du terme, s’il en est). L’auteur explique que les menaces d’intervention policière sont alimentées par les fachos, et qu’il ne faut pas se barricader et prendre peur. Bon, c’est de la bienveillance non? Pas tellement, parce que ces menaces sont aussi alimentées par des médias qui informent de la manière dont les étudiants se préparent à empêcher toute intervention policière. C’est un cercle vicieux : on se prépare à empêcher toute intervention policière, les médias parlent d’armes et de barricades dans les facs, et cela renforce les velléités préfectorales à faire venir la police. Bon. Mais qui prévient les médias des stratégies, normalement secrètes, des occupants, en cas d’intervention policière ? Notre auteur bien-sûr, par exemple pour Le Figaro, alors même que l’AG (à laquelle il tient tant) avait prévenu : on ne parle pas aux médias à propos de l’occupation sans autorisation de l’AG.
Plus loin, l’auteur poursuit : « l’occupant n’est pas l’étudiant et ce dernier, accueilli, est invité à ôter son habit d’étudiant pour devenir pleinement occupant ». Et la fac ouverte ? Faut-il être étudiant pour occuper l’enceinte du savoir institutionnel ? Faut-il un statut, déjà, pour occuper ? L’occupant serait l’auto-négation de l’étudiant. Tant mieux. L’occupant c’est toutes celles et ceux qui veulent savoir et construire ensemble. Les mouvements des travailleurs qui ont été « victorieux » n’ont jamais été circonscrits à des branches particulières de l’exploitation capitaliste. Que des non-étudiants viennent, ce sera tant mieux. Encore hier, des postiers aidaient à bloquer quelques heures la logistique de la filiale de la SNCF Géodis, et ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres. Si on veut décloisonner un espace, allons au bout de notre démarche.
Je souhaite aussi rassurer notre auteur : les « réunions informelles » et « affinitaires » qu’il dénonce n’ont pas réellement eu lieu, du moins en aucun nom, et au nom d’aucun mouvement. Tout ou presque s’est aujourd’hui, justement, restreint au cadre légal de l’Assemblée Générale (et ce n’est pas mon propos, ici, d’en détailler les moeurs, ni de réaliser un clash entre les « réunions affinitaires » autonomes et les « réunions (presque) sectaires » des militants trotskistes). Et je souhaite encore le rassurer : nous n’avons pas attendu les propositions de LO et du NPA pour « sortir une fraction du mouvement de l’occupation pour lui proposer de militer hors de la fac ». Car avant d’être des (au choix étudiants ou occupants, semble t-il), nous sommes des travailleurs, salariés ou précaires, à temps plein ou à temps partiel. Nous avons déjà les pieds hors de la fac.
En espérant que cette réponse sera pour toi constructive,
NF
C’est toujours le souci lorsqu’on désigne une catégorie floue comme « autonome », ce que je fais trop souvent je le confesse… On en discutait récemment avec un ami, et on concluait justement sur la nécessité de pointer des pratiques problématiques avec précision, et pas des catégories génériques qui souvent sont plus diversifiées que ce que l’on pense. Par exemple j’ai pris conscience que c’est bien les positions spontanéistes qui m’agacent en général (« le vote et les tours de parole c’est déjà la bureaucratie », « le militantisme c’est le début de la fin, moi je ne suis pas militant, je suis juste là pour pousser si quelque chose se passe », l’attente de l’étincelle qui va embraser tout…). Or tous les « autonomes » ne défendent pas forcément ces positions, une petite frange seulement. Par contre c’est vrai que je n’en connais pas qui militent vraiment en dehors, et ça m’intéresserait de discuter avec d’ailleurs
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« Les mouvements des travailleurs qui ont été « victorieux » n’ont jamais été circoncis à des branches particulières de l’exploitation capitaliste. »
« Circoncis » ?? :))
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